Les Chevaliers du Vent

Jean-Marc Wojcik

Comme une pierre dans la montagne…

Comme une pierre dans la montagne… Jean-Marc Wojcik l’est depuis ce jour de novembre 2002. Depuis cet Himal Race qui fit de lui un Chevalier du Vent, dix-septième du Nom. Depuis ce deuil d’un fils pleurant son père sur les bords du Rangmo Tso. Mais si Jean-Marc Wojcik est comme une pierre dans la montagne, il est aussi comme une feuille dans la forêt, un grain de sable dans le désert, une goutte d’eau dans l’océan… Et comme une note sur son saxophone. Il est un tout dans un rien. C’est pour cela qu’il est quelqu’un.

« La question qui se pose est de savoir si le « rien » est un « manque de quelque chose » ou un « plein »… » Le pianiste américain Keith Jarrett est l’auteur de cette phrase. Une phrase qui incite – invite – au voyage. Musical, certes. Mais la vie n’est-elle pas musique lorsque ce sont les battements du cœur qui rythment les pas… de course ? Courir pour être différent, ce n’est pas nouveau. Mais être différent lorsque l’on court, c’est un autre regard… Un petit rien dans un grand plein. Comme une pierre dans la montagne…

« Jean-Marc ? Un homme qui gagne à être connu. » Ainsi est présenté le « Marco de ces Dames » lorsqu’une voix au féminin a le regard qui pétille. Mais qui est Jean-Marc Wojcik ? Un alpiniste himalayiste de 51 ans ? Un coureur tout terrain qui a encore du pied ? Un saxophoniste qui se joue des notes ? Un médecin qui s’anime dans l’urgence ? Un père XY qui fait dans le Pierre et la Marion ? Un homme solidaire dans la solitude ? Une pierre, une feuille, un grain de sable, une goutte d’eau… Par les Chemins du Ciel, qui est ce Jean-Marc Wojcik ?

« Je suis un amoureux de la nature sous toutes ses formes. La mer, le désert, la forêt, la montagne, que ce soit sur les chemins ou sur les sommets. » Cet homme existe bel et bien. Ce n’est pas une chimère pour faire rêver les jeunes filles ou pour donner des regrets à celles devenue femmes. Un homme, certes, mais qu’elle est sa quête ? « Que ce soit dans la forêt, le désert, en montagne et sur mer, je recherche la même unité de nature. Une nature extrêmement forte qui fait penser à la plupart qu’elle représente un danger. Alors que c’est juste une puissance bénéfique qui demande à être connue. » C’est ainsi et pour cela que Jean-Marc est d’abord devenu un alpiniste. Un soliste de la verticalité grimpant dans le « très difficile » de 1976 à 1984. « J’étais déjà un homme caillou », précise dans un sourire le « Marco de ces Dames ».

Marathonien des sables en 1995, coureur amazonien en 2000, Trans-mauritanien en 2001 et Himalaya racer en 2002, 2003, 2005, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015… Un tout pour un rien. « Car la sécheresse dans le désert, l’humidité dans la forêt et l’altitude en montagne ont la même unité : l’extrême, souligne Jean-Marc. Ces trois univers ont aussi leurs différences. C’est ce que je recherche lorsque je pars car je ne les trouve pas dans la société des hommes. Des hommes qui perdent ce contact extraordinaire avec la nature, de cet endroit d’où l’on vient… » Jean-Marc ne pouvait qu’être cette pierre dans la montagne afin d’être « cet élément parmi tant d’autres… »

« Se dépasser dans le non dépassement »

Depuis 1980, Jean-Marc a parcouru les Chemins du Ciel à quinze reprises, dont quatorze fois depuis 2002. C’est d’ailleurs en 2003 qu’il a atteint le sommet de sa vie terrestre en enfonçant son piolet sur le Mera Peak (6.476 m). Himalayiste convaincu, il a participé à plusieurs expéditions sur des 8000 en tant que médecin : Makalu (8.475 m), Nanga Parbat (8.125 m), Gasherbrum I (8.068 m), Gasherbrum II (8.035 m),  Kanchenjunga (8.598 m). Il a ainsi dépassé à maintes reprises, l’altitude terrestre de 7500 mètres.

Pour lui, le Népal est surtout pour lui une terre d’aventure pédestre où l’homme se retrouve souvent face au négatif de son image. « Courir en Himalaya, c’est avant tout la convivialité, révèle Jean-Marc. Et s’il y a des richesses dans les relations entre les uns et les autres, il y a aussi des difficultés et parfois même des incompréhensions… L’Everest Sky Race représente un danger pour les coureurs, mais elle doit exister pour tout ce qu’elle apporte. C’est certes difficile à gérer, mais c’est cela qui rend la course passionnante… Il faut trouver le juste milieu entre la gestion de la course et la prudence face au mal des montagnes. Dans ce contexte, tous les coureurs doivent se dépasser dans le non dépassement. Ainsi, les hommes se trouvent dénudés dans la difficulté de l’épreuve. C’est une richesse pour celui ou celle qui veut savoir… »

Si quelqu’un s’est mis à nu durant l’Everest Sky Race, c’est bien Christophe Jaquerod. En tant que coordinateur de l’épreuve, Jean-Marc avait pris le temps de l’observer en 2005. « Christophe avait été très loin dans l’effort et mentalement. Le voir pleurer et tomber dans les bras des autres coureurs, c’est l’image qui restera de cette année. Comme ce regard vers l’Everest lorsque son pas était perdu… Dans un tel moment, tu ne peux pas te sentir indifférent. Tu penses aux autres en faisant le point sur toi et je pense que Christophe est sorti grandi de cette aventure… Cette remise en question, c’est aussi le Népal. Là-haut, comme ici, le Bonheur est sur le Chemin, dans l’action présente ou celle qui arrivera demain. » Et quel sera le demain de Jean-Marc Wojcik ? « Rêver de Himal Race. Cette épreuve présente tellement de difficulté dans la réalité que c’est la porte ouverte au rêve… »

         Ainsi parle Jean-Marc Wojcik. Un homme qui méritait d’être connu.

Bruno Poirier.

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